Ce soir-là , elle avait eu l'air un peu hagard et triste. Il avait cru déceler, chaque fois qu'il avait plongé son unique oeil anthracite dans ses belles orbes translucides, une forme de dualité étrange mêlée à une culpabilité à fendre le coeur. L'amour de la belle caressait son coeur dans une sorte de déchirement qu'il ne parvenait pas à toucher du doigt. Il ne savait pas vraiment ce qui clochait mais tous ses sens étaient en alerte. Il avait voulu rester avec elle, comme s'il avait peur qu'elle eût disparu le lendemain. Elle avait insisté pour dormir dans sa chambre. Seule. Il avait accepté. Leur dernier baiser, plus intense, plus doux, plus tout, lui avait presque arraché un pincement dont il n'avait su expliquer la raison. Mais qu'est ce qui n'allait pas ? Il n'arrivait pas à se laisser tomber dans les bras de Morphée. Soudain, un courant d'air, un battement d'ailes, un parfum. Son parfum. Il courut jusqu'à son balcon. Elle volait assez bas dans le ciel noir pour qu'il la distinguât. Elle se dirigeait vers la plage. Aussitôt, Nevra s'extirpa de la chambre pour s'en aller après elle. Il avait comme l'horrible pressentiment qu'on lui planterait un pieu au travers de la poitrine. Il arriva sur la plage, il hurla à en crever les tympans. Elle lui offrit une moue désespérée et suintante de larmes alors qu'elle cherchait à murmurer quelque chose. Rien n'échappa des pâles lèvres. Assiégée par la honte de le tromper, elle baissa les yeux, prit la main de l'homme au masque, se détourna. Puis, dans l'ultime sifflement du vent, elle disparut.
