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  • Photo du rédacteurMoody

L'île de toutes les découvertes, par ladyrach ©

Moody se maudissait tout en observant l’agitation à bord du navire affrété par Lance et l’équipage composé de six mercenaires qui vaquaient à leurs occupations. Le regard de la gardienne ne pouvait quitter la silhouette vêtue de noire de l’ancien Obsidien. Sentant des pupilles incendiaires le fixer avec insistance, Lance se détourna de l’avant du bateau et, avec son sourire carnassier, vint s’accroupir face à Moody. La jeune femme était attachée au mât du navire et bien qu’elle eût tout tenté pour se libérer, elle n’avait fait qu’abîmer un peu plus la peau de ses poignets. Hors, la douleur n’était rien face à la colère qui inondait sa tête. « C’est quoi cette expression ? se moqua Lance. - La garde aurait dû te tuer dès la première seconde ! cracha-t-elle en réponse. - Oh non, tu t’en veux de ne pas l’avoir fait alors que je te traînais avec tellement de facilité à travers la cité. Si nous sommes ici, c’est grâce à toi. » Moody lui cracha au visage alors que les propos de son geôlier étaient blessants de vérité. Elle aurait dû faire quelque chose ! C’était une gardienne, une Ombre, et elle n’avait pas réagi. Toute la colère contre Lance n’était qu’un écran de fumée pour masquer les sentiments de culpabilité et de haine qu’elle éprouvait envers elle-même. D’un revers de manche, Lance essuya les crachats qui maculaient sa joue et rien que pour voir son sourire sadique disparaître, Moody se félicita d’avoir agi ainsi, et sa peine s’allégea bien qu’elle en paya le prix la seconde suivante. Le dragon attrapa son cou d’une poigne ferme et tira la jeune femme à lui, jusqu’à ce que leurs visages soient face à face, les yeux dans les yeux, quitte à lui tordre la nuque. « Fais attention à toi, sache que je n’hésiterai pas une seconde à te tuer, très lentement et très douloureusement pour toi mais de façon très plaisante pour moi. - Je t’en prie, j’ai hâte de voir ça. - Quand on sera arrivés, lui promit-il. J’ai besoin de plus d’espace pour ça et je ne voudrais pas incommoder les autres avec tes hurlements de douleur et de terreur. » Il rejeta la jeune femme en arrière, elle se cogna la tête contre le mât mais retint une grimace. Lance quitta le pont pour rejoindre le niveau supérieur auprès du mercenaire qui dirigeait le bateau par le gouvernail. Moody avait une boule au ventre, allait-il vraiment exécuter sa menace ? Où l’emmenait-ile et surtout pourquoi la garder vivante alors qu’elle ne lui avait servi que d’otage ? Il aurait déjà pu l’éliminer depuis longtemps… Le voyage avait duré toute une journée qui parut incroyablement longue lorsqu’on était attachée à un mât. Au moment où elle fut enfin libérée de ces liens, les jambes de Moody étaient trop faibles pour se redresser et Lance dut l’aider à se relever. Il grimaça et deux autres mercenaires prirent le relai. C’est à ce moment-là que Moody comprit qu’il était blessé. D’après ce qu’avait expliqué Miiko, le dragon avait été projeté avec force lorsqu’il avait à nouveau frappé le cristal. Ayant retrouvé des forces, l’Ombre reprit la marche sur le sable. Elle observa les alentours mais ne reconnut pas la petite île sur laquelle ils se trouvaient. A quelques mètres à la bordure de la forêt, il y avait une cabane de pêcheurs dans laquelle elle fut une nouvelle fois attachée le temps que Lance et ses complices déchargèrent le bateau de ses fournitures. La nuit tombait et Moody restait muette, à observer les allers et venues de chacun jusqu’à ce que Lance réunit tous les individus qui l’accompagnaient à l’intérieur de la cabane, soudainement pleine. Moody fixait méchamment Enthraa, sa traîtresse de collègue qui n’avait même pas échangé un regard avec elle. « Je n’ai plus besoin de vous pour le moment, je vous appellerai de nouveau pour la suite des événements. » Il conclut la discussion d’un hochement de tête et tourna le dos au groupe. « Tu n’oublies pas quelque chose là ? l’interpella l’un d’eux. - Quand est-ce que tu vas nous payer ?! On a risqué nos vies pour toi ! réclama un brownie aux oreilles et à la gueule écrasée d’une chauve-souris. On mérite largement notre solde. - J’ai pas oublié ! Mais je vais encore avoir besoin de vous, je vous paierai à ce moment-là. - T’as pas intérêt à nous la mettre à l’envers ! » Le regard de Lance brillait d’une lueur incendiaire en se postant face au brownie qui le menaçait. Il se pencha vers lui jusqu’à ce que son visage ne fut qu’à quelques millimètres, la main posée sur la garde de son épée. « Qu’est-ce que tu crois ? Que je suis un voleur, un menteur ? » L’autre ne bronchait pas, le visage droit et ses yeux qui fixaient toujours le dragon. Mais Moody voyait bien qu’il était blême, et une goutte de sueur perlait le long de sa tempe grisâtre. Il ne la ramenait pas, même s’il tentait de faire bonne figure. « On veut juste s’assurer que tu ne nous as pas oubliés. » La voix de l’homme chauve-souris était peu assurée, surtout que Lance dardait sur lui son regard tranchant comme l’acier. « Ce n’est pas le cas… Maintenant, foutez-moi le camp, je vous recontacte dans quelques jours. » Les mercenaires rompirent les rangs, certains échangèrent quelques commentaires voire moqueries envers celui qui avait failli se faire dessus. Enthraa fut la seule à oser croiser le regard bleu de glace de Lance avant de quitter la cabane. Celui-ci lança un juron quand ils se retrouvèrent enfin seuls. Il ignorait toujours Moody qui voulait se faire discrète ; durant la compétition de domination qui venait d’avoir lieu, elle avait réussi à récupérer un morceau de verre qu’elle cachait précieusement dans le haut de sa cuissarde. Elle avait élaboré un plan : gagner un tant soit peu la confiance de Lance pour ensuite le neutraliser et voler l’embarcation dans laquelle ils étaient venus, le tout dans le délai de quelques jours qu’il avait donné au groupe de mercenaires. C’était la seule solution, jamais la garde d’Eel ne parviendrait à la trouver si ce n’était pas elle qui s’enfuyait. Elle ne savait déjà pas sur quelle île ils se trouvaient, alors la garde… Le seul problème dans ce qu’elle prévoyait était de gagner la confiance du dragon. Ce n’était pas vraiment le genre d’homme à l’accorder facilement, voire pas du tout… L’Ombre resta dans son coin tout en observant son geôlier s’agiter. Il rangea les réserves de nourriture, le matériel de navigation et, enfin, se départit de son armure. Un gémissement de douleur s’échappa de ses lèvres avant de mourir dans sa gorge au moment où il retira son plastron. Moody vit sur son flanc, une blessure transperçante de part en part, recouverte tant bien que mal de bandages de secours imbibés de sang séché. « Qu’est-ce qui qui t’est arrivé ? » La question franchit imperceptiblement les lèvres de Moody. Lance lui jeta un coup d’œil, comme s’il s’apercevait ne plus être seul. La jeune femme crut ne jamais avoir de réponse quand enfin, il expliqua : « J’ai été projeté contre une tige en acier, rien de grave. Une cicatrice parmi d’autres. » La gardienne remarqua en effet que le dos, les épaules et les bras du faelien étaient marqués de cicatrices blanches qui tranchaient avec sa peau halée. Il retira ses pansements souillés qui collaient à la plaie. Moody le vit faire un autre cataplasme d’argile grise et bander son abdomen. Puis il resta torse nu et vaqua à d’autres occupations tout le reste de la soirée. La gardienne eut tout le loisir de couper ses liens qui lui mordaient la chair. Comme Lance était à l’extérieur, elle fit le tour de la petite habituation rudimentaire, vola une pomme et récupéra parmi les affaires, sa dague porte-bonheur. Elle ne chercha pas à s’enfuir mais elle souhaitait plutôt prouver à Lance qu’il pouvait lui faire confiance. Lorsqu’il pénétra dans l’abri, quelques instants plus tard, il se figea à l’entrée devant une Moody qui préparait un feu pour la nuit installée. « Quoi ? s’amusa-t-elle. Je suis une gardienne de l’Ombre, ce n’est pas tes petites cordelettes qui vont me retenir longtemps… - Avec quoi t’es-tu libérée ? - Un morceau de verre, tout simplement, mais rassure-toi, je n’ai pas l’intention de quitter cette île, ni le campement. Tu me retrouverais trop facilement et c’est trop risqué de prendre la mer alors que je n’y connais rien à la navigation. » … De ce qu’elle voulait faire croire. « Mets-toi contre le mur, ordonna Lance - Quoi ? Mais… - Tout de suite ! » De mauvaise grâce et bien qu’elle eut envie de riposter, Moody s’exécuta. Les bras et jambes écartés, Lance la fouilla. Il passa ses mains dans ses cheveux mauves puis palpa son cou et chacun de ses bras, puis il caressa son dos à pleines mains puis le devant de son buste. Aucun ne commenta ni ne rougit lorsqu’il contourna le galbe de ses seins. Puis Lance s’accroupit, son visage en face du bassin de la gardienne où une simple brise aurait suffi à soulever le pan de sa petite robe noire. A travers le cuir de ses cuissardes, il ne décela rien ; puis il remonta ses doigts le long de sa cuisse droite, jusqu’à frôler sa fesse. Lorsqu’il s’attaqua à la jambe gauche, Moody sentit son cœur battre plus fort. Non pas que la situation l’excitait, même si cela aurait pu être le cas dans d’autres circonstances, mais que parce qu’elle avait dissimulé sa dague à l’intérieur de sa cuissarde et qu’elle ne voulait pas en être privée. « C’est bon, t’as fini de réaliser tes fantasmes là ! lança-t-elle au guerrier dragon. » Les mains de Lance s’arrêtèrent avant de rencontrer le fourreau de la lame. Il se redressa, son expression stoïque était indéchiffrable mais il répliqua, acerbe. « En vérité, c’est l’un de mes pires cauchemars qui vient de se réaliser. » Son visage se fendit d’un sourire sardonique auquel Moody répondit par une insulte sur le même ton de provocation. « T’as pas intérêt à quitter la cabane, sinon je te jure que je t’exécuterais sans scrupule. - Et pourquoi tu me gardes en vie dans ce cas ? renchérit l’Ombre avant qu’il ne s’en aille à nouveau. » Il la détailla de longues secondes, Moody voyait qu’il réfléchissait à la réponse à donner. Finalement, il secoua la tête. « Comme bouclier humain, tu es assez large et pratique, déclara-t-il méchamment avant de définitivement quitter la cabane de pêcheurs. » La gardienne retint un hoquet de colère et voulut rétorquer avec rage, haine et mépris tout ce qu’elle pensait de cet assassin minable, gros enf… mais elle se retint pour autant. Elle n’oubliait pas son plan, même si elle devait bâillonner sa personnalité impulsive et son franc-parler. Elle préférait garder en tête le moment victorieux où elle frapperait Lance à la tête et qu’il tomberait inconscient à ses pieds. Puis elle se ferait un plaisir de l’attacher solidement dans une position inconfortable et humiliante, quitte à lui enfoncer une pomme dans la bouche, comme le porc qu’il était. Enfin, elle le rabaisserait à chaque instant. Cette pensée, loin d’être jolie, lui redonna le sourire. Il allait le regretter. Moody avait essayé d’être irréprochable, elle avait préparé le feu au milieu de la petite hutte et elle avait cuisiné les cailles que Lance avait chassées. Elle aurait presque cru être une parfaite petite épouse et elle ne savait pas si l’idée la tentait ou la mettait en horreur. Les deux avaient mangé sans échanger un mot ni un regard. A ce rythme, Moody se fit la remarque que jamais elle ne gagnerait la confiance du dragon. Ils avaient dormi à distance l’un de l’autre, Lance devant la porte, pour être sûr que la jeune femme ne s’en échappe pas. Au petit matin, son geôlier s’éclipsa pour aller chercher de quoi manger et menaça une nouvelle fois Moody pour qu’elle n’en profite pas pour s’enfuir. A peine eut-il quitté le campement que l’Ombre lui désobéit. Furtivement, elle quitta l’abri et rejoignit le bateau amarré sur la plage. Sa chance était peut-être là, attendant d’être saisie, mais elle comprit rapidement qu’elle était coincée. Jurant de tous les noms d’oiseaux qu’elle connaissait, ou pas, Moody constata que le gouvernail manquait. Lance avait dû le démonter et le cacher, raison pour laquelle il se permettait de la laisser sans surveillance. Hors, la pièce disparue aurait pu être n’importe où ! Furieuse et jurant de plus belle, elle reprit la direction de la maison de pêche quand elle eut une autre idée.Trempée jusqu’à la taille, elle retira sa robe et ses cuissardes et les quelques sous vêtement qu’elle portait. Elle laissa sécher le tout sur une branche chauffée par le soleil du matin, puis elle attendit. Se laissant porter par la vue magnifique de la mer et du soleil brillant, elle se dit que sa captivité avait du bon. Elle coiffa ses cheveux en chignon et nagea quelques longueurs dans l’eau tiède de la mer. Les sensations de l’eau contre sa peau nue était très agréables, elle détendit aussi ses muscles noués par le stress de sa capture et assainit la peau brûlée de ses poignet. Elle aurait pu rester des heures dans l’eau si elle n’avait pas perçu plus loin les cris de Lance. Un sourire mauvais aux lèvres, Moody attendit de faire son numéro. Lui tournant le dos, l’Ombre détourna lentement la tête pour le voir marcher vers elle, furieux. Elle se redressa de toute sa hauteur et d’un geste sensuel, passa les mains dans ses cheveux. Quand elle fut sûre que Lance avait bien assisté au spectacle, elle se retourna face à lui et sortit de l’eau d’une démarche chaloupée. Elle était en tenue d’Eve et se réjouit de la mine de Lance, à la fois en colère mais coite. « Je suis juste sortie pour faire un brin de toilette, le nargua-t-elle. L’eau est très bonne. » Puis, au pied de l’arbre où elle avait étendu ses vêtements à présent secs, elle s’allongea sur le sable et apprécia les rayons du soleil sécher naturellement sa peau brillante d’eau. Lance resta quelques minutes en tout et pour tout et ne fit aucune remarque. Moody se félicita d’avoir pu le faire taire sans même devoir l’agresser verbalement. Elle savait que son physique mettait tout le monde d'accord. C’était une jeune femme sublime et ce fut la première fois qu’elle l’utilisa comme arme dans la guerre psychologique qui se jouait avec Lance. Le lendemain, elle fit la même chose mais cette fois-ci, le dragon ne tomba plus dans le piège, il l’ignora tout bonnement. Il avait décidé de s'entraîner et d’étirer ses muscles éprouvés par sa blessure. Moody l’avait observé faire et se questionnait de savoir comment elle pourrait se rendre intéressante auprès de lui. Elle avait décidé, plutôt que d’attendre en vain qu’il lui accorde sa confiance, qu’elle tenterait de le séduire, c’était ce qu’elle avait mis en oeuvre la veille en se dévoilant nue devant lui. Alors que maintenant, c’était lui qui menait le jeu, Moody réfléchit à un moyen d’attirer son attention. Elle se releva et sortit le rejoindre sur la plage. Lance était torse nu, ses bandages retirés laissaient voir une plaie et les croutes un peu disgracieuses qui la recouvraient. Au moins, il ne saignait plus. Le dragon était en train d’assouplir la peau, retenant parfois des grimaces quand sa blessure tirait. Puis il s’équipa de son épée et, face à un adversaire invisible, il s’élança dans un combat effréné. Moody se posta derrière lui et lorsqu’il lui jeta un coup d’oeil, elle proposa. « Ça serait plus instructif de se battre avec quelqu’un, ce n’est pas drôle de toujours gagner. - Quoi, tu veux que je te prête une arme et qu’on se batte ? - Ne le fais pas si tu penses perdre. » La réplique audacieuse de l’Ombre provoqua chez Lance une moue dubitative. S’ils étaient forgés du même acier, Moody savait qu’il relèverait le défi et il accepta. Les deux ennemis se firent face, armé chacun d’une épée, mais personne ne bougea. Le soleil baissait de l’autre côté de la plage et un vent venant de la mer balayait les cheveux des deux combattants. Moody, dont la patience n’avait jamais été son fort, provoqua Lance de quelques feintes auxquelles il ne répondit pas. Mais au moment où la gardienne s’y attendait le moins, lassée d’attendre l’action qui ne venait pas, l’ex-Obsidien attaqua de manière foudroyante. Elle se défendit rapidement, surprise mais non déstabilisée pour autant. L’échange dura de longues minutes et tantôt Lance menait, tantô, Moody avait le dessus. La gardienne frôla de son pied le flanc blessé de Lance, pensant marquer un avantage dans le duel mais elle manqua de tomber lorsque son pied se perdit dans le sable. Cet instant, extrêmement bref, suffit à Lance pour la faire basculer et apposer la pointe de son épée contre la peau délicate de sa gorge. Mauvaise perdante, Moody ragea mais elle aperçut une perle de sang couler de la blessure du dragon ; elle l’avait touché. Lui, sans un mot, ni sourire victorieux, quitta la plage et rejoignit la maison de pêcheur. Remise de sa défaite, l’Ombre le rejoignit. Elle observa le dragon soigner sa blessure à nouveau ouverte. « Pourquoi tu ne m’as pas tuée ? Tu as eu de multiples occasions mais tu ne le fais pas. - Peut-être que tu me serviras pour tard, répondit Lance, mystérieusement. » Voyant que sa réponse ne conviendrait pas à Moody, il renchérit. « J’ai essayé de t’aider, je t’ai guidée depuis que tu es arrivée à la garde d’Eel et pourtant, tu leur restes fidèle. » La gardienne avoua silencieusement qu’il avait eu raison sur certains points mais il avait fait tellement de mal de son côté… Elle s’approcha de lui et s’accroupit à sa hauteur. Lance leva son regard bleu de glace vers elle, interrogatif. La gardienne tendit les mains vers les bandages et l’aida à se soigner. Ni l’un, ni l’autre ne prononça un mot dans ce moment, sans vanne, ni critique, provocation ou méchanceté. A ce moment-là, leur relation évolua imperceptiblement et Moody se sentit un peu plus en sécurité en la présence de son geôlier, bien qu’il soit un peu plus que ça. Le lendemain et le jour suivant, ils continuèrent à s'entraîner plusieurs fois par jour, frôlant régulièrement l’amusement mais toujours avec l’envie d’en découdre. Moody constata que ces entraînements portaient leurs fruits. Ils pouvaient se battre pendant des heures, essoufflés, en nage mais ils ne voulaient lâcher pour rien au monde. C'était justement la situation dans laquelle Lance et elle se trouvaient à présent. La mer était plus tempétueuse que les jours précédents. Bientôt, la pluie et une tempête tropicale allaient s'abattre sur eux comme pour les presser d’en finir avec ce combat qui avait déjà trop duré. Moody ne savait plus depuis combien de temps le duel qui les opposait durait, elle savait juste qu’elle avait mal aux bras, aux jambes, que la sueur lui brûlait les yeux et gênait sa vue. Son épée était lourde dans sa main et les muscles de son poignet, de son bras, jusqu’à son épaule lui tiraient atrocement. Face à elle, Lance avait le même profil, son torse nu luisant de sueur et il haletait, éreinté mais déterminé à vaincre. Ils reprirent l’affrontement après ce court moment de pause. Ils paraient, attaquaient, esquivaient et poursuivirent bien que la pluie venait de les surprendre. L’eau était fraîche, bienfaisante et donna une nouvelle énergie à leur duel. Bientôt, ce fut le tonnerre qui vinnt gronder et l’averse s’intensifia encore mais, pour autant, aucun des deux ne voulait arrêter leur échange, tenant absolument à savoir qui serait désigné victorieux. Moody était au bout de ses forces, elle ne voyait plus clair tant la tempête était violente et son corps douloureux la suppliait d'arrêter, d’abandonner, mais sa volonté le lui interdisait. Le tonnerre retentit encore, comme s’il grondait des enfants trop aventureux. D’un coup d’épée du dragon, l’Ombre perdit l’arme de sa main. « Non ! cria-t-elle, épouvantée. » Elle voyait déjà la lame de Lance lui cueillir la gorge. Au même moment, un puissant éclair frappa la plage, là où Moody se tenait et propulsa Lance à plusieurs mètres. Sonné, le dragon se releva et fut inquiet une seconde. La gardienne avait été frappé de plein fouet par la foudre et pourtant, elle n’était pas au sol mais elle lévitait à quelques centimètres du sable. Ses yeux étaient grands ouverts et, habituellement mauves, ils brillaient d’un reflet argenté. Autour, une aura puissante irradiait d’elle et Lance aperçut deux ailes de dragon fantomatiques se dessiner dans l’atmosphère. Le tonnerre gronda d’un rugissement animal furieux et tout se calma très rapidement. L’horizon s'éclaircit, la tempête disparut et avec elle, l’aura draconique de Moody. La jeune femme retrouva ses esprits et ses yeux en amande leur teinte violette. Regardant ses mains et ses bras, dont les tatouages brillaient déjà plus faiblement de cette aura argentée, elle releva un regard sur Lance. « Je… je suis un dragon, comprit-elle alors. J’ai entendu une voix dans ma tête et j’ai… j’ai su. » Lance la fixait incrédule face à ce qu’il venait de vivre. C’était tout bonnement inédit. « Tu le savais, n’est-ce pas ? - On va dire que je m’en doutais, avoua ce dernier. Allez viens, rentrons. » Il aida la gardienne à se relever, mais ses jambes, encore affaiblies par le choc, ne la tinrent pas et il la porta jusqu’à la cabane de pêcheurs. Moody but quelques gorgées d’eau bienvenues puis, frissonnante, se frotta les bras de ses mains. Ils étaient encore trempés de l’averse et Lance lui tendit une serviette. La gardienne retira au moins sa robe et s’enroula dans le linge sec et chaud. « C’est pour ça que tu as voulu m’aider ? reprit-elle. - Tu étais la seule à qui je pouvais faire entendre raison. Mon frère, les autres, je ne peux plus rien faire pour eux… - Qu’est-ce qui est arrivé à notre peuple ? À nos ancêtres ? questionna encore Moody. - Ils se sont sacrifiés pour Eldarya, mais ils ne méritent pas ce sacrifice, ils n’en sont pas dignes. - C’est pour ça que tu cherches à détruire le cristal, comprit l’Ombre. Mais ce geste ne va pas les les ramener. - Ce que je fais ne te regarde pas ! s’emporta Lance. - Si ça me concerne, j’ai des amis, des personnes qui comptent sur moi et je ne veux pas qu’il leur arrive quoique ce soit ! » Lance quitta la cabane sur un coup de colère, n’accordant plus d’intérêt aux paroles de la jeune femme. Cette dernière jura en donnant un coup de pied contre la fine cloison en bambou qui servait de mur à l’édifice. Les parois tremblèrent, une bâche glissa au sol et, ébahie, l’Ombre découvrit, ensevelie à moitié sous le sable et les toiles, un morceau de bois et de métal dont la forme typique suggérait qu’il s’agissait du gouvernail. Déterrant l’objet, Moody trouva en effet l’objet manquant C’était tout ce qu’il lui manquait pour quitter cette île. Elle s’habilla, fit fi de la sensation désagréable de ses vêtements humides contre sa peau et, le poids du gouvernail qui trainait sur le sable. La nuit était tombée et la lune se dévoilait par moment entre les tapis de nuages parsemés dans le ciel. La visibilité était faible mais suffisante pour monter sur l’embarcation et mettre les voiles. Certes, elle n’avait pas eu l’occasion de neutraliser Lance mais c’était maintenant ou jamais et, après tout, elle pouvait au moins lui laisser ça. Elle ne devait en tout cas plus rester ici. Le petit bateau sur lequel ils avaient accosté se trouvait à plusieurs centaines de mètres de la maison de pêcheurs et Moody courut, du mieux qu’elle put, traînant derrière elle son fardeau. L’embarcation était tout près sur la droite mais une voix calme, sortant de la végétation sur sa gauche la surprit en pleine évasion. « Où est-ce que tu crois aller comme ça ? » Moody se retourna vivement vers Lance dont la silhouette se dessinait sous l’éclat de la Lune. La gardienne sortit sa dague de sa cachette et la brandit dans sa direction. « Je m’en vais, laisse-moi partir. - Non, je ne le permettrai pas. - Je ne te demande pas ton avis ! » Moody monta dans l’embarcation sans se démonter de ce que voulait ou non son geôlier. Elle avait déjà trop traîné ici et s’il croyait vraiment pouvoir la retenir… La jeune femme entreprit se replacer la pièce manquante quand le bateau tangua, Lance venait de monter à bord. Il lui saisit le bras, elle voulut s’en défaire, perdit sa dague, lui envoya un coup qu’il esquiva. Une vague vint soudain déstabiliser l’esquif et les deux ennemis chutèrent sur les voiles au fond de la cale. Lance se ressaisit le premier, attrapa les poignets de Moody qu’il bloqua au dessus de sa tête et entrava ses jambes des siennes. « Et maintenant ? » Moody rageait à nouveau de la situation de soumission qu’elle subissait. Lance la tenait fermement et sur son visage un sourire hautain s’était dessiné. Il ne lui restait qu’une option de déstabilisation et Moody tendit le cou pour venir écraser ses lèvres sur celles de Lance. Après une seconde de battement, elle fut surprise de constater que Lance lui rendait ce baiser et elle se surprit plus encore de l’accepter et de l’apprécier. Les lèvres du dragon dévièrent sur son cou et son corps se fit plus pressant. Moody réussit à libérer ses mains mais ne se débattit pas, caressant le dos de son geôlier, à en griffer la peau. Son bassin roulait sous lui et la chaleur de leur étreinte accrut son excitation. Les doigts de Lance glissèrent sous la robe de la gardienne, tira sur le tissu précipitamment, au point d’en faire craquer les coutures. Avec des gestes empreints d’une fièvre dévorante, elle se redressa et se déshabilla, imitée par Lance avant qu’il ne plonge à nouveau sur elle. L’Ombre saisit le membre du dragon, le caressa avant de le guider en elle. Il s’inséra avec force, Moody lâcha une plainte, entre douleur et plaisir. Lance se redressa, saisit les hanches de sa partenaire et accéléra le rythme de ses allers et venues. Moody était transportée, elle n’avait été aussi excitée par un homme qu’elle détestait mais qu’elle ne voulait plus quitter. Ou juste une fraction de sonde. Elle le repoussa un très bref instant, Lance bascula sur le dos et Moody le chevaucha avec une énergie nouvelle. Elle sentit l’aura du dragon fusionner avec la sienne, un pouvoir exacerbé l’envahit. Sous elle, Lance se redressa, avide des lèvres de sa maîtresse. Ses mains empoignèrent les rondeurs de ses fesses, y enfonçant ses ongles et, tandis que leur excitation arrivait à son comble, les dents de Moody laissèrent une trace sur l’épaule de son amant. Il lui appartenait. Tous les deux nus, essoufflés, Lance et Moody observèrent les étoiles. La jeune femme analysait ce qui venait de se passer à l’instant. Ils avaient couché ensemble - l’un des meilleurs coups de sa vie en fait. Ce n’était pas seulement parce qu’ils aimaient doser leur passion d’une pointe d'amour vache et d’un soupçon de douleur mais parce qu'ils étaient aussi tous les deux des dragons et que l’osmose en était parfaite. Une vent frais provenant de la mer vint rafraîchir sa peau et elle tira le tissu rêche et épais de la voile sur elle. « Tu as toujours l’intention de partir ? questionna Lance. - Peut-être pas tout de suite, mais ne crois pas que tu m’as convaincue… » Le ton de Moody provoqua un gloussement de la part de Lance. Elle lui jeta un regard : il avait un sourire aux lèvres, les bras derrière la tête, les yeux fermés, il sombrait dans le sommeil. Satisfaite, l’Ombre ferma aussi les yeux et inspira une grande bouffée d’air frais. Puis une odeur âcre lui chatouilla les narines et, interpellée, Moody se redressa. Elle vit alors la cabane de pêcheurs en feu. « Merde ! » Lance se redressa à son tour, la tête dépassant de l’intérieur de l’embarcation. Il constata lui aussi l’incendie mais de son regard perçant la nuit, il distingua les silhouettes qui rodaient aux abords de la plage. Les mercenaires étaient revenus réclamer leur dû ou venus pour se venger de l’attitude hautaine que Lance leur avait servie. Ne jamais se fier à des personnes que l’on paie. Ils ne sont pas loyaux. De toute façon, Lance n’avait pas leur argent… Il s’habilla précipitamment, tout en essayer de rester discret. « Où tu vas ? - Je ne peux pas leur faire croire que leurs actes resteront impunis. - Attends, pourquoi on ne partirait pas, tout simplement ? On a tout ce qu’il nous faut, proposa Moody en le retenant pas le bras. - Si je ne les arrête pas maintenant, ils vont toujours me poursuivre, alors autant les neutraliser, mais si tu veux partir… » Lance lui adressa un regard désolé qu’elle voyait pour la première fois. « Si tu crois que je vais te laisser t’amuser tout seul, pendant que je fuis ! s’exclama-t-elle. » Un sourire vint effacer l’expression du dragon et tous les deux sautèrent de l’esquif pour se diriger furtivement vers la plage. Ils avaient décidé de se séparer pour chacun éliminer trois mercenaires. Moody s’était cachée dans les hauteur d’un palmier à guetter ses proies. « Tu les as trouvés ? Tu penses qu’ils sont partis ? - Non, les affaires de Lance sont toujours là et le bateau aussi… » Moody reconnut la voix d’Enthraa. « Bordel, où est-ce qu’ils ont pu se cacher ? - Reste ici, surveille la cabane, moi, je vais aller vers la cascade. » La sirène guerrière quitta son collègue qui s'éloigna de quelques pas. Une fois sûre d'être tranquille, Moody glissa de l’arbre et, comme l’Ombre qu’elle était, tua l’homme de deux coups de dagne : un dans les poumons pour l’empêcher de crier et l’autre dans le coeur pour l’achever. Et de un. La gardienne trouva sa seconde proie près du bateau alors que le brownie à la tête de chauve-souris s'apprêtait à y mettre feu, coupant toute possibilité à Moody et Lance de quitter cette île. Elle l’acheva en enfonçant la lame dans sa large oreille, atteignant le cerveau. Et de deux. Le bruissement de feuilles la surprit, mais ce n’était que Lance dont le regard bleu de glace ressortait de l’ombre des arbres à la lueur de la lune. « Il ne reste que deux mercenaires. - Ils doivent être plus loin dans les terres, l’informa Moody. » Le couple de dragons s’enfonça dans les profondeurs de l’île et après quelques minutes de marche la plus silencieuse possible, ils perçurent la voix d’Enthraa et du dernier type. Sans crainte, Lance s’avança face aux survivants qui pointaient leur arme vers lui dès qu’ils le virent. Moody se montra à son tour. Ils étaient deux contre deux. « Les autres sont morts, il ne reste que vous. » Les deux mercenaires restaient muets. « Menteurs ! » L’homme se jeta sur Lance qui plongea sa main dans son dos. Une arme apparut et disparut aussitôt dans le ventre de l’assaillant. Il lâcha une longue plainte et s’effondra au sol. Les mains de Lance étaient écarlates et prêtes à tuer encore. Et il ne restait qu’Enthraa. « Tu devrais partir, lui conseilla Moody. Parce que tu es une ancienne membre de la garde d’Eel, je te fais une fleur mais la prochaine fois que nos chemins se croisent, je te tuerai. » La sirène guerrière jetait des regards affolés, allant de Lance et à Moody. Elle devait sûrement ne pas comprendre comment ces deux là étaient venus à collaborer ensemble. Dans tous les cas, elle n’avait aucune chance. D’un regard mauvais, elle recula dans l’ombre et s’enfuit. « Tu n’aurais pas dû. » Le ton ne Lance n’exprimait pas de colère, juste un constat. « Je reste une gardienne. » Les deux amants retournèrent à la plage. La cabane n’existait plus, à part peut-être les cendres qui finissaient de se consumer. Ils récupèrèrent ce qu’ils purent avant de s'allonger sur le sable, l’un à côté de l’autre. De cette nuit unique, ressortiraient une idylle naissante et un lever de soleil magnifique. Silencieux, les dragons observaient le paysage d’un air serein, confiant. Puis un point à l’horizon fit froncer les sourcils de Lance. Il se redressa et fouillant dans ce qui leur restait et sortit une longue-vue qu’il déplia. « Qu’est-ce que c’est ? s’enquit Moody, une pointe d’inquiétude dans la voix. » Lance régla sa lunette et prit encore quelques secondes pour répondre. « C’est Eel, Nevra et Jamon. On dirait qu’ils t’ont retrouvée. Comment, je l’ignore. » La gardienne se leva, épousseta sa robe pleine de sable. « On dirait que tout prend fin maintenant. » Lance lui lança un regard impénétrable que la gardienne lui rendit. « Tu devrais partir rapidement avant qu’ils n’arrivent. » Il hocha la tête, ramassa tout ce qu’il put et courut jusqu’à la petite embarcation qui attendait depuis cinq jours d’être réutilisée à nouveau. Lance monta à bord, déroula les voiles, remonta l’ancre avant de s'arrêter au milieu de son geste. Il lâcha un soupir et sauta à nouveau à l’eau, face à Moody. Il prit son visage en coupe et l’embrassa passionnément. « Je reviendrai. - Dépêche-toi alors. » Les deux amants échangèrent un sourire taquin et à deux, ils poussèrent l’esquif à la mer avant que Lance n’embarque. Avec des gestes experts, il prit la fuite en contournant l’île alors que les gardiens d’Eel approchaient en face. Moody regarda le dragon s’éloigner et continua même de longues minutes après qu’il ait disparu de sa vue.



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